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Les dommages à la propriété (art. 144 CP)

Les dommages à la propriété sont réprimés à l’art. 144 du Code pénal (CP). Cet article se trouve au Titre 2 du CP qui traite des infractions contre le patrimoine. Il vise à protéger les choses mobilières ou immobilières faisant l’objet d’un droit de propriété, d’usage ou d’usufruit.

Ainsi, l’art. 144 al. 1 CP dispose que « celui qui aura endommagé, détruit ou mis hors d’usage une chose appartenant à autrui ou frappée d’un droit d’usage ou d’usufruit au bénéfice d’autrui sera, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire ».

Pour que l’infraction de dommages à la propriété soit retenue, diverses conditions doivent être remplies.

Tout d’abord, le dommage doit porter sur une chose, appartenant à autrui ou frappée d’un droit d’usage ou d’usufruit.

La chose consiste en un objet mobilier corporel. Il n’est pas nécessaire de faire la distinction entre chose mobilière ou chose immobilière car l’art. 144 CP vise les deux hypothèses. Les animaux sont également couverts par cette disposition.

En revanche, celle-ci ne s’applique pas à une créance, un autre droit, une idée, un procédé incorporel, à des informations ou encore à des données.

L’art. 144 CP protège même les choses qui, objectivement, ne revêtent aucune valeur. Il suffit qu’il s’agisse d’une chose et que celle-ci soit altérée, dans sa substance ou dans son usage.

La chose doit appartenir à autrui ou être frappée d’un droit d’usage ou d’usufruit. Les termes « appartenant à autrui » désignent le droit de propriété au sens du droit privé. Il en va de même de la notion de droit d’usage, qu’il s’agisse de l’usufruit cité à l’art. 144 CP ou d’un autre droit comme par exemple une servitude, un droit de passage, un droit d’habitation, un bail à loyer ou à ferme ou encore un prêt d’usage.

L’infraction de dommages à la propriété peut être commise par le propriétaire de la chose lui-même si celui-ci porte atteinte au droit d’usage accordé à un tiers ou au droit d’un copropriétaire.

Ainsi, le droit de porter plainte pour dommages à la propriété ne revient pas seulement au propriétaire de la chose mais également à tout ayant droit qui se voit privé de l’usage de celle-ci.

Ensuite, il est nécessaire que la chose appartenant à autrui ou frappée d’un droit d’usage ou d’usufruit soit endommagée, détruite ou mise hors d’usage. Le dommage causé à celle-ci peut se présenter sous deux formes.

Premièrement, il peut s’agir d’une atteinte à la substance de la chose. A titre d’exemple, nous pouvons citer le fait de détruire une statue ou de tailler un arbre. Une modification de l’apparence de la chose est suffisante. Ainsi, le simple fait de sprayer ou de peindre la chose, même si elle a déjà été sprayée ou peinte de façon illicite par quelqu’un d’autre, suffit pour retenir un dommage à la propriété.

Deuxièmement, il peut s’agir d’une atteinte à la fonctionnalité de la chose. L’atteinte peut consister en la destruction ou l’altération de la chose mais également en une modification de la chose qui a pour conséquence d’en supprimer ou d’en réduire l’usage, les propriétés, les fonctions ou l’agrément.

Le principe est que le comportement de l’auteur cause un changement de l’état de la chose qui n’est pas immédiatement réversible sans frais ni effort et qui porte atteinte à un intérêt légitime. A cet égard, la jurisprudence retient les exemples suivants :
- Apposer sur le pare-brise d’une voiture une affiche qui ne peut être retirée qu’avec l’aide de tiers et qui prive le conducteur de sa visibilité normale
- Dégonfler les pneus d’une voiture au point que la sécurité du trafic exige de les regonfler
- Vider un extincteur qui doit être rechargé pour être à nouveau prêt à l’emploi

Bien que le texte légal parle de « mise hors d’usage », la jurisprudence estime qu’une réduction de l’usage est suffisante si elle s’y apparente, en particulier si elle induit un empêchement d’utiliser la chose.

Comme déjà indiqué ci-dessus, il n’est pas nécessaire que la chose ait une valeur objective pour être protégée par l’art. 144 CP. La protection conférée par cet article intervient sans égard à des considérations relatives à la valeur économique ou encore esthétique de la chose. De même, le dommage ne doit pas nécessairement se manifester par un préjudice patrimonial.

Ainsi, celui qui peint sans autorisation une fleur sur la voiture d’autrui commet un dommage à la propriété, même s’il fait valoir qu’il trouve la voiture plus jolie comme cela ou qu’il y a apporté une plus-value. En conséquence, l’art. 144 CP ne protège pas des intérêts patrimoniaux ou la chose en elle-même mais les droits de décision vis-à-vis de son état dont l’ayant droit est titulaire.

Attention toutefois car seul l’intérêt légitime du lésé est protégé par cette disposition. Une plainte pénale déposée par pure chicane, c’est-à-dire en cas de modification insignifiante ou ne présentant manifestement que des avantages, peut être déclarée abusive.

L’infraction réprimée par l’art. 144 CP est une infraction intentionnelle, c’est-à-dire que l’auteur doit avoir la conscience et la volonté de s’en prendre à la chose d’autrui ou à l’usage d’autrui et d’en modifier l’état. Les dommages à la propriété par négligence ne sont donc pas punissables. En outre, sous réserve des cas visés par les alinéas 2 et 3 (cf. ci-dessous), elle n’est poursuivie que sur plainte du lésé.

Le droit privé confère, dans certains cas, la permission de porter atteinte à la propriété ou aux droits d’usage d’autrui. Nous pouvons citer à titre d’exemple :
- Le droit du propriétaire de couper les branches et racines avançant sur son fonds (art. 687 CC)
- Le droit de pénétrer sur le fonds grevé d’une servitude pour effectuer des travaux d’entretien, de réparation, de rénovation (art. 737 CC)
- Le droit du possesseur de repousser par la force tout acte d’usurpation ou de trouble (art. 926 CC)

Les alinéas 2 et 3 de l’art. 144 CP constituent des cas aggravés dont la teneur est la suivante :
- Al. 2 : « Si l’auteur a commis le dommage à la propriété à l’occasion d’un attroupement formé en public, la poursuite aura lieu d’office ».
- Al. 3 « Si l’auteur a causé un dommage considérable, le juge pourra prononcer une peine privative de liberté de un à cinq ans. La poursuite aura lieu d’office ».

Le premier cas aggravé concerne les dommages à la propriété causés lors d’un attroupement formé en public. Cette notion englobe la réunion d’un plus ou moins grand nombre de personnes donnant l’impression d’un groupe uni et animé d’un état d’esprit menaçant pour la paix publique. L’attroupement est formé en public lorsque tout un chacun peut y prendre part. Il importe peu que cette foule se soit regroupée de façon spontanée ou sur invitation et qu’elle ait été ou non constituée dans le but de commettre un délit.

Le second cas aggravé concerne les cas dans lesquels l’auteur cause un dommage considérable à la propriété. La jurisprudence a fixé à CHF 10'000.- le seuil à partir duquel le dommage peut être qualifié comme tel. Encore faut-il que l’auteur ait eu l’intention de causer un dommage considérable au lésé.

Pour déterminer si ce seuil est atteint, il s’agit de prendre en considération les dépenses auxquelles doit consentir le propriétaire de la chose pour la remettre en état ainsi que les gains qu’il ne peut plus percevoir en raison du dommage causé à celle-ci. Par exception, un dommage inférieur à CHF 10'000.- pourra tout de même tomber sous le coup de cette disposition si la situation du lésé confère à l’atteinte une intensité équivalente.

Dans ces deux cas de figure, la poursuite a lieu d’office et non plus sur plainte du lésé. En outre, en cas de dommage considérable, le juge pourra prononcer une peine privative de liberté jusqu’à 5 ans, en lieu et place des 3 ans prévus aux alinéas 1 et 2.
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