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Absence du greffier à la séance de conciliation

C1 22 209
DÉCISION DU 26 MARS 2024


Le Tribunal des districts de Martigny et St-Maurice

Mériem Moisan, juge unique


en la cause



Y_________ et Z_________ X_________

et


A_________ SA

et


B_________ SA

contre


C_________ SA

et


D_________ SA

et
 
E_________

et


F_________ SA


(autorisation de procéder ; recevabilité de la demande)
 
[…]




Considérant


que le tribunal de district connaît des affaires civiles et statue sur les requêtes de mesures provisionnelles, sauf lorsque la loi attribue expressément une compétence à une autre autorité (art. 4 al. 1 LACPC) ;

que l’art. 31 CPC institue un for général et dispositif pour les actions découlant d’un contrat, comme en l’espèce ;

que les contrats liant les demandeurs X_________ avec la société E_________ SA et C_________ SA, toutes deux de siège à P._________, prévoient un for à O._________ en cas de litige (PJ 3 et 10), tandis qu’il n’y a pas d’élection de for concernant les sociétés D_________ SA et F_________ SA ; que ces dernières sont toutefois de sièges sociaux à O._________ de sorte qu’en tenant compte des élections de for susmentionnées et en appliquant l’art. 31 CPC, le for de O._________ concorde pour tous les consorts ;

qu’il s’ensuit que le Tribunal de céans est compétent ratione materiæ et ratione loci ;

qu’à teneur de l’art. 209 CPC, lorsque la tentative de conciliation n’aboutit pas, le demandeur doit porter action devant le tribunal dans un délai de trois mois à compter de la délivrance de l’autorisation de procéder ;

que l’autorisation de procéder a été notifiée aux demandeurs le 22 juillet 2022, de sorte que, déposée le 7 septembre 2022, la demande respecte le délai légal ;

qu’en l’espèce, la question de la validité de l’autorisation de procéder a été soulevée par C_________ SA pour la première fois dans le cadre de sa duplique du 21 septembre 2023 ; qu’elle fait valoir que cet acte est vicié, le juge de commune ayant siégé lors de l’audience de conciliation en l’absence d’un greffier-juriste contrairement
 
à ce que prescrit la loi ; que, pour sa part, F_________ SA a, pour la première fois conclu à l’irrecevabilité de demande pour ce même motif, lors des débats d’instruction ;

que cette question pouvant mettre un terme au procès selon la nature de la décision rendue par le Tribunal, il convient ainsi d’examiner préliminairement cette question avant tout examen de la procédure au fond ;

que l’autorisation de procéder est l’acte délivré par l’autorité de conciliation qui permet à l’intéressé de débuter la procédure lorsqu’une tentative de conciliation est exigée par la loi ; qu’elle représente une condition de recevabilité de la demande, faute d’autorisation de procéder valable, le tribunal doit d’office déclarer la demande irrecevable (BOHNET, in Code de procédure civile commenté, 2011, p. 784, no 4 ; ATF 139 Ill 273, consid. 2.1) ; qu’une autorisation de procéder délivrée par une autorité manifestement incompétente n’est en principe pas valable ; qu’en effet, il s’agit d’une application du principe général selon lequel les actes d’une autorité incompétente sont normalement nuls et ne déploient pas d’effet juridique (ATF 137 I 273 consid 3.1 ; 132 Il 21 consid. 3.1) ; que le défendeur qui s’en prévaut dans sa réponse à la demande n’agit pas contrairement à la bonne foi ; qu’en effet, il n’existe pas de voie de recours contre l’autorisation de procéder, car celle-ci ne constitue pas une décision au sens des art. 308 et 319 CPC ; qu’ainsi le défendeur ne peut d’emblée contester la validité de l’autorisation de procéder que dans la procédure de première instance sur la demande ; que le tribunal doit alors examiner, dans le cadre de la clarification des conditions de recevabilité, si le vice invoqué de la procédure de conciliation entraîne l’invalidité de l’autorisation de procéder ; que si l’autorisation de procéder n’est pas valable, le tribunal ne peut pas entrer en matière sur la demande (ATF 140 Ill 70 consid. 5 ; 149 III 12 consid. 3.1.1.2 ; arrêt 4A_416/2019 du 5.2.2020 consid. 4.4.2) ;

que le droit des parties à une composition régulière du tribunal, découlant de l’art. 30 al. 1 de la Constitution fédérale, impose des exigences minimales en procédure cantonale (arrêt  4D_54/2015 du 23 février 2016, consid. 2.2) ; qu’il requiert notamment une organisation judiciaire et une procédure déterminées par un texte légal (arrêt  4D_54/2015 du 23 février 2016, consid. 2.2) ; que c’est en premier lieu à la lumière des règles cantonales d’organisation judiciaire et de procédure qu’il convient d’examiner si une autorité judiciaire a statué dans une composition conforme à la loi (arrêt  4D_54/2015 du 23 février 2016, consid. 2.2) ;

que la composition de l’autorité de conciliation relève du droit cantonal, sauf en matière de baux à loyer ou à ferme d’habitations ou de locaux commerciaux et de litiges relevant de la loi sur l’égalité (LEg) où le droit fédéral impose une composition paritaire (art. 200 CPC ; BOHNET, op.cit., p. 745, no 20) ; que dans les autres cas, l’autorité de conciliation peut donc être composée de un ou de plusieurs membres (BOHNET, op.cit., p. 745, no 20) ;

que selon l’art. 8 al. 5 LOJ/VS le juge de commune doit se faire assister d’un greffier titulaire d’un titre universitaire en droit lequel dispose d’une voix consultative ; qu’aucune exception n’est prévue à cette disposition ; qu’il s’avère qu’elle n’a pas non plus fait l’objet d’une interprétation particulière auprès du Département de la sécurité, des institutions et du sport, auquel est rattaché le Service juridique de la sécurité et de la justice ; que le Tribunal de district, étant l’autorité de surveillance des juges de commune (art. 8 al. 3 LOJ/VS), n’a à sa connaissance pas fourni de directive particulière permettant au juge de commune de s’écarter de l’art. 8 al. 5 LOJ/VS ; que même si le juge de commune est, comme en l’espèce, titulaire du brevet d’avocat, cela ne le dispense pas de l’obligation de siéger en présence d’un greffier-juriste puisque ce dernier dispose d’une voix consultative dans le cadre de la procédure de conciliation (art. 8 al. 5 LOJ/VS) ;

qu’en l’espèce, toutes les parties à la présente procédure confirment que l’audience de conciliation du 19 mai 2022 s’est tenue en l’absence d’un greffier juriste ; qu’il apparaît ainsi que l’art. 8 al. 5 LOJ/VS n’a pas été respecté par l’autorité de conciliation qui n’a pas siégé dans sa composition légale ; qu’en effet, malgré les connaissances juridiques approfondies du juge de commune, la présence d’un greffier est également exigée afin de délivrer un avis consultatif lors de la séance de conciliation ; que les parties sont de plus en droit de comparaître devant une autorité respectant leur garantie de procédure judiciaire (art. 30 al. 1 Cst féd.), ceci en application des règles d’organisation judiciaire prévues par le droit cantonal ;

que partant, l’autorité de céans constate que l’autorisation de procéder délivrée par le juge de Commune de O._________ le 22 juillet 2022 en l’absence d’un greffier juriste est viciée ; qu’autre est la question de savoir si C_________ SA et F_________ SA peuvent se prévaloir de ce vice pour conclure à l’irrecevabilité de la demande ;

qu’en effet, la partie qui a connaissance d’un motif de récusation ou d’un autre vice dans la composition du tribunal doit l’invoquer aussitôt, sous peine d’être déchue du droit de s’en prévaloir ultérieurement (arrêt 4D_54/2015 du 23 février 2016, consid. 2.2) ; qu’il est en effet contraire aux règles de la bonne foi de garder en réserve le moyen tiré de la composition irrégulière du tribunal pour ne l’invoquer qu’en cas d’issue défavorable de la procédure (arrêt  4D_54/2015 du 23 février 2016, consid. 2.2) ;

qu’en l’occurrence, la défenderesse F_________ SA, alors assistée d’un avocat, ne pouvaient ignorer, pour avoir assisté à l’audience de conciliation du 19 mai 2022, que la composition de ladite autorité n’était pas régulière ; que, lors de cette séance, elle ne s’est pas plainte de l’absence de greffier juriste et n’a pas soulevé cette question au cours de l’audience et par la suite devant l’autorité de céans dans sa réponse et ni même dans sa duplique ; qu’il en va d’ailleurs de même pour les autres parties défenderesses à l’exception de C_________ SA qui n’a pas participé à l’audience de conciliation et a fait valoir cette problématique dans le cadre de sa duplique ;

qu’il est vrai que l’autorisation de procéder n’est en elle-même pas une décision sujette à recours (ATF 139 III 273 consid. 2.3 du 3 juin 2013) ; qu’en revanche, si les autres parties défenderesses, en particulier F_________ SA, entendaient contester la validité de l’autorisation de procéder, elles devaient le faire sans délai auprès du juge de céans, voire au plus tard, dans la duplique ; qu’or, ce n’est que lors des débats d’instruction qui se sont tenus le 20 mars 2023 et ce après un double échange d’écritures que F_________ SA a fait valoir l’invalidité de l’autorisation de procéder pour conclure à l’irrecevabilité de la demande, modifiant ainsi ses conclusions ; qu’en conséquence, ayant tardé à soulever la question de la validité de l’autorisation de procéder, dont elle avait connaissance dès le 19 mai 2022, F_________ SA et déchue du droit de s’en prévaloir ; qu’il en va de même pour D_________ SA et E_________ SA lesquelles s’en sont finalement remises à justice et ont dès lors renoncé à se prévaloir de ce moyen ;

qu’en revanche, la situation de C_________ SA est différente puisque celle-ci n’avait pas participé à l’audience de conciliation et n’a pris connaissance de la composition viciée de l’autorité de conciliation qu’ultérieurement ; qu’ainsi en soulevant valablement cet incident dans le cadre de sa duplique, C_________ SA n’est pas déchue du droit de se prévaloir de l’invalidité de l’autorisation de procéder telle que retenue ci-dessus ;

que, partant, il convient de constater que la demande formée le 7 septembre 2022 en tant qu’elle est dirigée contre C_________ SA est irrecevable ;

qu’en revanche, en tant que dirigée contre F_________ SA, E_________ SA et D_________ SA, l’incident tendant à ce que la demande soit déclarée irrecevable est rejeté ;
 
que, cela étant, la cause C1 22 209 opposant les demandeurs à F_________ SA, E_________ SA et D_________ SA est suspendue et sera reprise lorsque la nouvelle demande qu’entendent déposer les demandeurs contre C_________ SA parviendra au stade des débats d’instruction ; que dès cet instant, cette dernière procédure sera jointe à la cause C1 22 209, vu la connexité ces affaires ;

que selon l’article 106 CPC, les frais sont mis à la charge de la partie succombante ; que la partie succombante est le demandeur lorsque le tribunal n’entre pas en matière et en cas de désistement d’action ; qu’elle est le défendeur en cas d’acquiescement (art. 106 al. 1 2ème phrase CPC) ; qu’une non-entrée en matière est en particulier prévue par l’art. 59 CPC en cas de défaut de recevabilité (TAPPY, in Code de procédure civile commenté, 2011, p. 415, no 27) ; que dans ce cas, la partie dont la demande ou la requête est écartée devra les frais de l’instance prenant ainsi fin sans égard au fait que son droit au fond existe peut-être bel et bien, ni qu’elle va peut-être introduire une nouvelle procédure (TAPPY, op.cit., p. 415 no 27) ; que les tarifs cantonaux règlent en principe librement, moyennant respect du droit supérieur, la fixation des frais, qu’il faut distinguer de leur répartition (TAPPY, op.cit., p. 410 no 4) ;

que les frais comprennent les débours de l’autorité et l’émolument de justice (art. 3 al. 1 LTar ; Loi fixant le tarif des frais et dépens devant les autorités judiciaires et administratives) ; que selon l’article 18 LTar l’émolument doit être fixé entre 90 et 4'800 francs pour les procédures incidentes de droit civil ;

qu’au vu du sort de la cause, les frais judiciaires de la présente décision en tant que la demande est dirigée contre C_________ SA, fixés à 1000 francs, sont mis à la charge de Y_________ et Z_________ X_________, A_________ SA, ainsi que B_________ SA, solidairement entre eux (art. 106 al. 1 CPC) ; qu’ils seront prélevés sur l’avance prestée par ces derniers ;

que les frais comprennent également les dépens soit les débours nécessaires et le défraiement d’un représentant professionnel (art. 95 al. 3 let. a,b CPC) ; que les dépens de l’avocat comprennent tant ses honoraires que ses débours effectifs (art. 4 al. 3 LTar) ; qu’ils couvrent, en principe, les frais indispensables occasionnés par le litige (art. 4 al. 1 LTar) ; que les dépens comprennent les honoraires, lesquels sont fixés notamment d’après la nature et l’importance de la cause, ses difficultés, l’ampleur du travail, le temps utilement consacré par le conseil juridique, et la situation financière de la partie (art. 27 al. 1 LTar) ; qu’en vertu de l’article 29 LTar, lorsqu’il y a une

disproportion manifeste entre la valeur litigieuse et l’intérêt des parties au procès ou entre la rémunération due d’après le tarif et le travail effectif du conseil juridique, l’autorité peut ramener les honoraires au-dessous du minimum prévu (al. 2) ; qu’en cas de désistement, de retrait du recours, de jugement par défaut, de transaction, d’irrecevabilité et, d’une manière générale, lorsque la cause ne se termine pas par un jugement au fond, les honoraires peuvent être réduits en conséquence (al. 3) ; qu’enfin, pour une valeur litigieuse supérieure à 1'000'000 fr., les honoraires correspondent au 3.3 % sans dépasser 140'000 fr. (art. 32 LTar) ;

qu’en l’espèce, la valeur litigieuse s’élève à 1'711'994 fr. 89 ; que finalement, la présente cause se termine par une décision d’irrecevabilité en ce qui concerne C_________ SA ; que l’activité de la mandataire de cette dernière, a pour l’essentiel, consisté à prendre connaissance de la demande, de la réplique, des réponses et dupliques des autres parties défenderesses, rédiger une réponse et une duplique de 22 pages, respectivement 10   pages, participer à l’audience des débats d’instruction (60 minutes) ; qu’eu égard à l’activité utilement déployée par Maître N_________, une équitable indemnité de dépens d’un montant de 7950 francs, TVA et débours compris, est mise à la charge des demandeurs, solidairement entre eux ;

que, pour le surplus, les frais et dépens relatifs la demande en tant qu’elle est dirigée contre F_________ SA, D_________ SA et E_________ SA sont renvoyés en fin de cause ;

que par ces motifs,
 


Prononce


1.    La demande déposée le 7 septembre 2022 en tant que dirigée contre C_________ SA est irrecevable.

2.    Il est constaté que la demande déposée le 7 septembre 2022 en tant que dirigée contre E_________ SA, D_________ SA et F_________ SA est recevable.

3.    La cause C1 22 209 opposant les demandeurs à E_________ SA, D_________ SA et F_________ SA est suspendue et sera reprise lorsque la nouvelle demande qu’entendent déposer les demandeurs contre C_________ SA parviendra au stade des débats d’instruction. Dès cet instant, cette dernière procédure sera jointe à la cause C1 22 209.

4.    Les frais de la présente décision, en tant que la demande est dirigée contre C_________ SA, fixés à 1'000 fr., sont mis à la charge de Y_________ et Z_________ X_________, A_________ SA, ainsi que B_________ SA, solidairement entre eux. Ils seront prélevés sur l’avance de frais prestée par ces derniers.

5.    Y_________ et Z_________ X_________, A_________ SA et B_________ SA verseront à C_________ SA une équitable indemnité de 7'950 fr. à titre de dépens.

6.    Pour le surplus, les frais et dépens relatifs la demande en tant qu’elle est dirigée contre E_________ SA, D_________ SA et F_________ SA sont renvoyés en fin de cause.


Martigny, le 26 mars 2024

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