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Montant d'une facture, allégation et contestation motivée, expertise et fardeau de la preuve

4A_535/2018 
 
 
Arrêt du 3 juin 2019  
 
Ire Cour de droit civil  
 
Composition 
Mmes les Juges fédérales 
Kiss, Présidente, Hohl et May Canellas. 
Greffier : M. Piaget. 
 
Participants à la procédure 
A.________ SA, 
représentée par Me Philippe Loretan et 
Me Emilie Kalbermatter, 
recourante, 
 
contre  
 
B.________ SA, 
représentée par 
Me Guérin de Werra, 
intimée. 
 
Objet 
montant d'une facture, allégation et contestation motivée, expertise et fardeau de la preuve. 
 
recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour civile II, du 27 août 2018 
(C1 16 251). 
 
 
Faits :  
 
A.  
 
A.a. Le 15 août 2008, A.________ SA (ci-après: A.________ ou l'entrepreneur), société avec siège à... ayant notamment pour but de réaliser des installations électriques, a signé un contrat d'entreprise avec B.________ SA (ci-après : B.________ ou le maître de l'ouvrage), qui était propriétaire d'une parcelle située sur la commune de U.________, et L.________, propriétaire de la parcelle contiguë.  
Selon le contrat, A.________ s'engageait à réaliser des installations à courant fort et faible dans les trois chalets érigés sur les deux parcelles précitées, la direction des travaux étant confiée à B.________. 
En vertu de l'art. 2 du contrat, le " total brut " à payer était de 450'541 fr.90. Ce chiffre englobait deux sortes de prix, l'un unitaire et l'autre " en régie ". Après déduction de plusieurs rabais et escomptes, le montant s'est finalement élevé à 410'000 fr., TVA comprise. 
S'agissant du règlement du prix, il était prévu (art. 7.1 du contrat) qu'un premier acompte, équivalant à 20% du prix d'adjudication, serait versé fin août 2008 (afin de permettre l'achat de matériaux). Une part correspondant à 70% du prix d'adjudication serait ensuite versée, au moyen de 16 acomptes mensuels, à partir de fin septembre 2008 en fonction de l'avancement des travaux. " Les derniers 10% [seraient payés] après approbation du décompte final (art. 7.2) de l'entrepreneur ". 
L'art. 7.2, auquel renvoie l'art. 7.1, prévoit ce qui suit : 
 
" Après approbation du décompte final qui comprend toutes les prétentions contractuelles en paiement de l'entrepreneur à l'égard du maître de l'ouvrage (facture finale, factures éventuelles de travaux en régie et de renchérissement, etc.), le solde du montant restant sera viré à l'entrepreneur dans les 30 (trente) jours à compter de la réception de la quittance du solde et après déduction de tous les paiements déjà effectués et de tous les autres déductions, rabais et escomptes ". 
Enfin, l'art. 17 1ère phrase des conditions générales annexées au contrat rappelle que le décompte final doit préalablement être discuté avec la direction des travaux. 
 
A.b. Les travaux ont été réalisés par A.________.  
Entre juin et décembre 2012, des échanges de correspondance ont eu lieu entre les parties concernant divers défauts qui entachaient l'ouvrage. Différents travaux ont été exécutés pour y remédier. 
Le 7 décembre 2012, des travaux complémentaires ont encore été requis, pour faire disparaître des défauts mineurs. 
La réception de l'ouvrage a eu lieu le 12 décembre 2012. 
Le 21 décembre 2012, B.________ a acheté la parcelle de L.________ qui, réunie avec sa propre parcelle, formait un nouvel immeuble au registre foncier. 
Depuis la signature du contrat du 15 août 2008, de nouveaux plans d'affectation ont été établis, ce qui a entraîné des plus-values. 
 
A.c. Dans sa facture finale, datée du 2 avril 2013, l'entrepreneur a mentionné tous les travaux qu'il avait exécutés en vertu du contrat du 15 août 2008.  
Selon l'allégué 29 de la demande (contesté), " [l]a facture finale s'élève à Fr. 578'405.05.- net et les plus-values à Fr. 125'592.40 net, soit un total de Fr. 703'997.45.- ". Il est ensuite mentionné, sous " Preuve ": " pièces 7 et 15 du dossier C2 13 24, expertise " (complètement d'office selon l'art. 105 al. 2 LTF). Après déduction des nombreux acomptes déjà payés, le solde encore dû se montait à 191'092 fr.55. 
Les plus-values visaient les travaux complémentaires réalisés par A.________, d'un montant de 125'592 fr.40. Après la déduction des acomptes déjà payés, le solde se montait à 13'175 fr.80. 
Au total, A.________ réclame la somme de 204'268 fr.35 (191'092 fr.55 + 13'175 fr.80). 
B.________ conteste devoir payer cette somme au (triple) motif qu'aucun bon de régie n'a été signé, que les demandes d'acomptes présentées n'ont jamais été accompagnées d'un estimatif avec indication des travaux comme l'exigeait pourtant le contrat et, enfin, que A.________ n'a jamais établi les métrés (contradictoires) précis correspondant aux factures qu'elle a émises. 
 
B.  
 
B.a. Le 22 mai 2013, l'entrepreneur a obtenu la confirmation de l'annotation d'une hypothèque provisoire des artisans et des entrepreneurs en sa faveur, ordonnée à titre préprovisionnel le 5 avril 2013.  
Le 12 août 2013, la demanderesse a ouvert action en paiement et en inscription définitive de l'hypothèque des artisans et entrepreneur à l'encontre de la défenderesse. S'agissant de l'action en paiement, elle a conclu à ce que sa partie adverse soit condamnée à lui verser la somme de 204'268 fr.35, intérêts en sus. 
La défenderesse a conclu au rejet des prétentions de la demanderesse, et reconventionnellement, à ce que celle-ci soit condamnée à lui payer le montant de 30'000 fr., intérêts en sus, et la somme de 11'471 fr.45, intérêts en sus. 
Une expertise judiciaire a été ordonnée. 
La défenderesse a consigné la somme de 204'268 fr.35 auprès d'un notaire du canton et la demanderesse a consenti à la radiation de l'annotation provisoire de l'hypothèque légale. 
Dans ses dernières conclusions, la demanderesse a conclu à ce que la défenderesse soit condamnée à lui verser le montant de 215'134 fr.25, intérêts en sus, à ce que les sûretés déposées auprès du notaire soient validées et à ce qu'il soit ordonné à celui-ci de les libérer en sa faveur. La défenderesse a conclu au rejet de la demande, à ce que les sûretés soient libérées en sa faveur à concurrence de 245'122 fr., intérêts en sus et, reconventionnellement, à ce que sa partie adverse soit condamnée à lui payer 36'011 fr.30, intérêts en sus. 
 
B.b. Par jugement du 22 août 2016, le Tribunal du district de l'Entremont a admis la demande et condamné la défenderesse à payer à la demanderesse le montant de 204'268 fr.35, intérêts en sus, libéré les sûretés en faveur de la demanderesse (le solde éventuel étant remis à la défenderesse) et il a rejeté la demande reconventionnelle.  
 
B.c. Par arrêt du 27 août 2018, la Cour civile II du Tribunal cantonal du Valais a admis partiellement l'appel formé par la défenderesse et, statuant à nouveau, rejeté la demande, déclaré irrecevable la demande reconventionnelle et ordonné la libération (lorsque l'arrêt aura acquis autorité de chose jugée) des sûretés consignées auprès du notaire en faveur de la défenderesse.  
 
C.   
Contre l'arrêt cantonal, la demanderesse exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Elle conclut à l'annulation des chiffres du dispositif portant sur la demande principale et à la réforme de l'arrêt entrepris en ce sens que la défenderesse soit condamnée à lui payer 204'268 fr.35, intérêts en sus, que les sûretés consignées auprès du notaire répondent de cette créance et que la demande reconventionnelle soit déclarée irrecevable. Subsidiairement, elle conclut à ce que la cause soit renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision. La recourante invoque une constatation des faits manifestement inexacte ou en violation du droit (art. 97 al. 1 LTF), une transgression de son droit à la preuve, l'absence de contestation suffisante s'agissant du contenu de la facture du 2 avril 2013 et l'absence d'allégation sur la nécessité de métrés contradictoires/de bons de régie. 
La défenderesse intimée conclut au rejet du recours. 
La recourante a encore déposé des observations. 
La demande d'effet suspensif formée par la recourante a été admise (en ce sens que les sûretés constituées en mains du notaire sont maintenues jusqu'à droit connu sur le recours en matière civile) par ordonnance présidentielle du 10 octobre 2018. 
 
 
Considérant en droit :  
 
1.  
 
1.1. Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 et 45 al. 1 LTF) par la demanderesse qui a succombé dans ses conclusions en paiement (art. 76 al. 1 LTF) contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue sur appel par le tribunal supérieur du canton (art. 75 LTF) dans une affaire civile (art. 72 al. 1 LTF) dont la valeur litigieuse dépasse 30'000 fr. (art. 74 al. 1 let. b LTF), le recours en matière civile est recevable.  
 
1.2. En matière de constatation des faits et d'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans motifs objectifs de tenir compte de preuves pertinentes ou a opéré, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 136 III 552 consid. 4.2; 134 V 53 consid. 4.3; 129 I 8 consid. 2.1); encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause.  
Le juge apprécie librement la force probante d'une expertise. Dans le domaine des connaissances professionnelles particulières de l'expert, il ne peut toutefois s'écarter de son opinion que pour des motifs importants qu'il lui incombe d'indiquer, par exemple lorsque le rapport d'expertise présente des contradictions ou attribue un sens ou une portée inexacts aux documents et déclarations auxquels il se réfère (ATF 101 IV 129 consid. 3a); le juge est même tenu de recueillir des preuves complémentaires lorsque les conclusions de l'expertise judiciaire se révèlent douteuses sur des points essentiels (ATF 141 IV 369 consid. 6.1; 138 III 193 consid. 4.3.1 et les arrêts cités). 
 
2.   
Sous réserve de la violation des droits constitutionnels (art. 106 al. 2 LTF), le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est toutefois lié ni par les motifs invoqués par les parties, ni par l'argumentation juridique retenue par l'autorité cantonale; il peut donc admettre le recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en opérant une substitution de motifs (ATF 135 III 397 consid. 1.4 et l'arrêt cité). 
 
3.   
Pour bien cerner le débat, il faut rappeler que les parties sont en litige au sujet du prix unitaire (rémunération forfaitaire) et du prix en régie (rémunération effective d'après la dépense) de l'ouvrage réalisé (le contrat prévoyant deux sortes de prix). Pour calculer ces prix, tous deux relativement indéterminés, les parties ont convenu d'arrêter, à la fin des travaux, les quantités déterminantes de matériaux (pour le prix unitaire) et le nombre d'heures de travail sur le chantier (pour le prix en régie). 
Le calcul du prix unitaire présuppose l'établissement de métrés (ou le métrage) : les quantités déterminantes (matériaux) sont établies soit au moyen d'un métré effectif, révélant ce que l'entrepreneur a effectivement accompli, soit par le biais d'un métré théorique fondé sur les plans de l'ouvrage (arrêt 4C.88/2005 du 8 juillet 2005 consid. 2). Lorsque les parties conviennent de procéder conjointement à l'établissement des métrés, on parle de métrés contradictoires (cf. arrêt 4C.54/2007 du 12 juin 2007 consid. 3; entre autres auteurs, cf. TERCIER/BIERI/CARRON, Les contrats spéciaux, 5e éd. 2016, n. 3985 ss p. 549 s.). 
Le calcul du prix en régie implique en principe l'établissement de bons de régie, i.e de rapports journaliers (cf. arrêt 4A_458/2016 du 29 mars 2017 consid. 7.3.2). 
Si l'entrepreneur s'engage à établir des métrés contradictoires ou des bons de régie, il se soumet à un procédé qui implique l'approbation - au moins implicite - des décomptes (et donc du décompte final) par la direction des travaux (maître de l'ouvrage). 
 
4.   
Les parties divergent sur deux questions procédurales : l'allégation d'un fait pertinent et sa contestation. 
 
4.1. Lorsque la maxime des débats est applicable (art. 55 al. 1 CPC), il incombe aux parties, et non au juge, de rassembler les faits du procès (ATF 144 III 519 consid. 5.1 p. 522). Les parties doivent alléguer les faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions (fardeau de l'allégation subjectif), produire les moyens de preuve qui s'y rapportent (art. 55 al. 1 CPC) et contester les faits allégués par la partie adverse, le juge ne devant administrer les moyens de preuve que sur les faits pertinents et contestés (art. 150 al. 1 CPC).  
 
4.2.  
 
4.2.1. En vertu de l'art. 221 al. 1 let. d CPC, respectivement de l'art. 222 al. 2 CPC, les faits doivent être allégués en principe dans la demande, respectivement dans la réponse pour les faits que doit alléguer le défendeur. Ils peuvent l'être dans la réplique et la duplique si un deuxième échange d'écritures est ordonné ou, s'il n'y en a pas, par dictée au procès-verbal lors des débats d'instruction (art. 226 al. 2 CPC) ou à l'ouverture des débats principaux, avant les premières plaidoiries (ATF 144 III 519 consid. 5.2.1 p. 522, 67 consid. 2.1 p. 69; sur ce dernier point, cf. DANIEL BRUGGER, Der Tatsachenvortrag " zu Beginn " der Hauptverhandlung [Art. 229 Abs. 2 ZPO], in Revue suisse de droit de procédure civile et d'exécution forcée [PCEF], 2019, p. 22 ss).  
Les faits pertinents allégués doivent être suffisamment motivés (charge de la motivation des allégués) pour que, d'une part, le défendeur puisse dire clairement quels faits allégués dans la demande il admet ou conteste et que, d'autre part, le juge puisse, en partant des allégués de fait figurant dans la demande et de la détermination du défendeur dans la réponse, dresser le tableau exact des faits admis par les deux parties ou contestés par le défendeur, pour lesquels il devra procéder à l'administration de moyens de preuve (art. 150 al. 1 CPC; ATF 144 III 519 consid. 5.2.1.1 p. 522 s., 67 consid. 2.1 p. 68 s.), et ensuite appliquer la règle de droit matériel déterminante. 
Les exigences quant au contenu des allégués et à leur précision dépendent, d'une part, du droit matériel, soit des faits constitutifs de la norme invoquée et, d'autre part, de la façon dont la partie adverse s'est déterminée en procédure: dans un premier temps, le demandeur doit énoncer les faits concrets justifiant sa prétention de manière suffisamment précise pour que la partie adverse puisse indiquer lesquels elle conteste, voire présenter déjà ses contre-preuves; dans un second temps, si la partie adverse a contesté des faits (cf. infra consid. 4.2.2), le demandeur est contraint d'exposer de manière plus détaillée le contenu de l'allégation de chacun des faits contestés, de façon à permettre au juge d'administrer les preuves nécessaires pour les élucider et appliquer la règle de droit matériel au cas particulier (ATF 144 III 519 consid. 5.2.1.1 p. 523; 127 III 365 consid. 2b p. 368). 
Plusieurs éléments de fait concrets distincts, comme les différents postes du dommage, doivent être présentés sous plusieurs numéros, car cela est nécessaire pour permettre au défendeur de se déterminer clairement (ATF 144 III 519 consid. 5.2.1.2 p. 523, 54 consid. 4.1.3.5 p. 64). 
En ce qui concerne l'allégation d'une facture (ou d'un compte), il arrive que le demandeur allègue dans sa demande (voire dans sa réplique) le montant total de celle-ci et qu'il renvoie pour le détail à la pièce qu'il produit. Dans un tel cas, il faut examiner si la partie adverse et le tribunal obtiennent ainsi les informations qui leur sont nécessaires, au point que l'exigence de la reprise du détail de la facture dans l'allégué n'aurait pas de sens, ou si le renvoi est insuffisant parce que les informations figurant dans la pièce produite ne sont pas claires et complètes ou que ces informations doivent encore y être recherchées. Il ne suffit en effet pas que la pièce produite contienne, sous une forme ou sous une autre, lesdites informations. Leur accès doit être aisé et aucune marge d'interprétation ne doit subsister. Le renvoi figurant dans l'allégué doit désigner spécifiquement la pièce qui est visée et permettre de comprendre clairement quelle partie de celle-ci est considérée comme alléguée. L'accès aisé n'est assuré que lorsque la pièce en question est explicite (  selbsterklärend) et qu'elle contient les informations nécessaires. Si tel n'est pas le cas, le renvoi ne peut être considéré comme suffisant que si la pièce produite est concrétisée et commentée dans l'allégué lui-même de telle manière que les informations deviennent compréhensibles sans difficulté, sans avoir à être interprétées ou recherchées (ATF 144 III 519 consid. 5.2.1.2 p. 523 s.; arrêts 4A_281/2017 du 22 janvier 2018 consid. 5; 4A_367/2018 du 27 février 2018 consid. 3.7).  
Les moyens de preuve proposés (art. 221 al. 1 let. e CPC) doivent être indiqués à l'appui de chaque allégué de fait. 
 
4.2.2. Les faits doivent être contestés dans la réponse (art. 222 al. 2, 2e phrase, CPC) et, pour les faits allégués par le défendeur, en règle générale, dans la réplique, car seuls les faits contestés doivent être prouvés (art. 150 al. 1 CPC; ATF 141 III 433 consid. 2.6). Une contestation en bloc (  pauschale Bestreitung) ne suffit pas (ATF 144 III 519 consid. 5.2.2.1 p. 524; 141 III 433 consid. 2.6 p. 438).  
La partie adverse peut en principe se contenter de contester les faits allégués (ATF 115 II 1 consid. 4), puisqu'elle n'est pas chargée du fardeau de la preuve et n'a donc en principe pas le devoir de collaborer à l'administration des preuves (ATF 144 III 519 consid. 5.2.2.2 p. 524; 117 II 113 consid. 2). 
Dans certaines circonstances exceptionnelles, il est toutefois possible d'exiger d'elle qu'elle concrétise sa contestation (charge de la motivation de la contestation), de façon que le demandeur puisse savoir quels allégués précis sont contestés et, partant, puisse faire administrer la preuve dont le fardeau lui incombe; plus les allégués du demandeur sont motivés, plus les exigences de contestation de ceux-ci par la partie adverse sont élevées (ATF 144 III 519 consid. 5.2.2.3 p. 524; 141 III 433 consid. 2.6). 
Ainsi, lorsque le demandeur allègue dans ses écritures un montant dû en produisant une facture ou un compte détaillés, qui contient les informations nécessaires de manière explicite (cf. supra consid. 4.2.1), on peut exiger du défendeur qu'il indique précisément les positions de la facture ou les articles du compte qu'il conteste, à défaut de quoi la facture ou le compte est censé admis et n'aura donc pas à être prouvé (art. 150 al. 1 CPC; ATF 144 III 519 consid. 5.2.2.3 p. 524 s.). 
 
4.3. En l'espèce, le raisonnement de la cour précédente peut être résumé comme suit :  
 
1° Les juges cantonaux ont écarté l'expertise (contrairement au premier juge qui l'avait suivie) au motif qu'elle était incomplète et non concluante. Ils relèvent en particulier que l'expert devait contrôler les quantités déterminantes de matériaux utilisés, respectivement le nombre d'heures réalisées par les ouvriers (tels qu'indiqués dans la facture litigieuse), ce qu'il n'a pas fait. 
2° Les juges précédents ont retenu que, pour fixer la rémunération de l'entrepreneur, les parties avaient convenu d'arrêter, à la fin des travaux, les quantités de matériaux (respectivement le nombre d'heures de travail sur le chantier) nécessaires à la réalisation de l'ouvrage, ce qui se fait en principe sur la base de métrés contradictoires et de bons de régie. 
3° La cour cantonale a ensuite constaté, contrairement au premier juge, que la défenderesse avait dûment contesté l'ampleur de la facture finale (du 2 avril 2013) pour les travaux initialement prévus et les plus-values (détermination ad allégué 29 de la demande) en relevant qu'aucun bon de régie n'avait été signé et que l'entrepreneur n'avait jamais établi les métrés (contradictoires) précis. En conséquence, elle a retenu que les seuls chiffres figurant dans cette facture, correspondant à de simples allégations de partie, étaient impropres à démontrer les métrés contradictoires (resp. les heures " en régie "), que la demanderesse, qui avait le fardeau de la preuve, n'avait ni allégué ni prouvé avoir procédé à des métrés contradictoires (resp. avoir remis des bons de régie au maître de l'ouvrage ou à son représentant), que l'expertise judiciaire y relative n'était pas concluante et conclu que la demanderesse devait supporter l'échec de la preuve. 
 
4.4. La demanderesse recourante ne conteste pas n'avoir pas allégué ni prouvé les métrés contradictoires, respectivement la remise de bons. Elle est toutefois d'avis qu'elle n'avait pas à le faire puisque (contrairement à ce que retient implicitement la cour cantonale) aucune des parties n'a allégué vouloir fixer le prix en partant des métrés contradictoires, respectivement des bons de régie (cf. infra consid. 4.4.1). Selon elle, il s'agissait seulement d'apporter la preuve des métrés, respectivement des heures de travail sur le chantier (sans qu'il soit nécessaire de démontrer en sus que ces données auraient été approuvées par la direction des travaux), ce qu'elle a fait en requérant une expertise et en produisant sa facture du 2 avril 2013 qui (contrairement à l'avis de la cour cantonale) n'a pas été contestée régulièrement par la défenderesse (cf. infra consid. 4.4.2).  
 
4.4.1. Sur le premier point (absence d'allégation), la demanderesse recourante soutient qu'aucune des parties n'a allégué l'existence et le contenu des art. 7.2 du contrat et 17 des conditions générales et que c'est en violation du droit procédural que la cour cantonale a retenu que le solde du prix de vente était payable après approbation du décompte final préalablement discuté avec la direction des travaux.  
Le contrat d'entreprise produit par la défenderesse précise explicitement que le solde du montant restant sera viré à l'entrepreneur " après approbation du décompte final " (art. 7.2). L'art. 7.1, qui renvoie explicitement à cette dernière clause et prévoit que " les derniers 10% [seront versés] après approbation du décompte final (art. 7.2) de l'entrepreneur " (cf. contrat d'entreprise art. 7.1 et 7.2 p. 5 s.; complètement d'office selon l'art. 105 al. 2 LTF), est expressément repris dans le mémoire-réponse de la défenderesse du 9 octobre 2013. La défenderesse a donc allégué l'exigence de l'approbation du décompte final (sous-entendu: par le maître de l'ouvrage), de sorte que les juges précédents pouvaient considérer que cet élément factuel faisait partie du cadre du procès (sur ce point cf. encore infra consid. 5.2.2 en lien avec l'expertise judiciaire). 
Le moyen est infondé. 
 
4.4.2. Sur le deuxième point (absence de contestation), la demanderesse recourante soutient que la défenderesse n'a pas contesté de manière régulière l'allégué visant la quotité de la facture du 2 avril 2013 et qu'il s'agit de se fonder sur les métrés (resp. les heures de travail) qui figurent dans ce document, qui sont établis.  
On ne saurait la suivre puisque la demanderesse n'a elle-même pas respecté les exigences posées par la jurisprudence quant au contenu des allégués en se limitant à inscrire, à l'allégué 29 de sa demande, le montant de 578'405 fr.05 net (" facture finale ") et celui de 125'592 fr.40 (" plus-values ") et en renvoyant pour le détail à deux pièces différentes (pièces 7 et 15 du dossier consacré à l'inscription de l'hypothèque légale). D'une part, les deux postes - détaillés dans des pièces différentes (pièce 15 contenant la " facture finale " et pièce 7 pour les " plus-values ") - auraient dû être allégués sous des chiffres distincts (cf. supra consid. 4.2.1 pour les postes d'un dommage). D'autre part, force est de constater que, déjà, le seul chiffre allégué dans la demande (578'405 fr.05 net) n'est pas aisément accessible à la lecture de la " facture finale ", qui contient plus de 200 pages : il apparaît seulement à l'avant-dernière page de la pièce produite, dans une suite de chiffres énumérés en colonne, entre deux postes principaux inscrits en lettre majuscule (" TOTAL NET 191'092 fr.55 " à la fin de la colonne / " TOTAL BRUT 584'203 fr.85 " au début de la colonne). Il n'appartient ni au juge ni à la partie adverse de rechercher le lien existant entre la pièce produite, très volumineuse, et le chiffre (578'405 fr.05) qui fait l'objet de l'allégué. 
Même si l'on admettait (par hypothèse) que l'allégué 29 répondait aux exigences de la jurisprudence, on ne pourrait quoi qu'il en soit rien reprocher à la défenderesse. Celle-ci a contesté la facture détaillée du 2 avril 2013 en expliquant que ce document ne faisait pas référence aux métrés contradictoires (resp. aux bons de régie), soit des procédés - convenus entre les parties - permettant à la direction des travaux de contrôler le coût de l'ouvrage. On ne voit pas comment on pourrait exiger de la défenderesse qu'elle désigne précisément les points de la facture (inscrits par la seule demanderesse) qu'elle entend contester, alors que le procédé même sur la base duquel la facture a été établie est remis en cause et que la défenderesse a explicitement allégué cet élément déterminant. 
La critique de la recourante n'est dès lors pas fondée et on ne saurait reprocher à la cour cantonale d'avoir retenu que la défenderesse avait régulièrement contesté l'allégué 29 de la demande. 
 
5.   
Il découle de ce qui précède qu'il appartenait à la demanderesse d'apporter la preuve des métrés contradictoires et des heures de travail en régie. Contrairement aux magistrats cantonaux qui ont jugé que l'expertise judiciaire (sollicitée tant par la demanderesse que par la défenderesse) était incomplète et non concluante, la recourante estime que l'expertise fournit cette preuve (ce que le premier juge avait reconnu) (cf. infra consid. 5.1) et, à défaut, que la cour cantonale aurait au moins dû ordonner un complément d'expertise, et non lui faire immédiatement supporter l'échec de la preuve (cf. infra consid. 5.2). 
 
5.1. Au terme de l'appréciation des preuves, la cour cantonale a retenu que l'expertise judiciaire était incomplète (elle ne contenait en particulier ni la présentation du mandat reçu du juge, ni celle de l'état de fait de la cause soumise à l'expert) et non concluante dans la mesure où l'expert n'avait pas effectué un véritable contrôle de l'intégralité des données chiffrées figurant dans la facture litigieuse. En particulier, il ne résulte pas du rapport que l'expert ait dûment vérifié, poste par poste, les quantités (m2, pièces, etc.), respectivement les heures de régies, indiquées dans la facture litigieuse du 2 avril 2013.  
La recourante soutient qu'on ne peut d'emblée conclure, de l'absence de toute mention (dans le rapport) des quantités déterminantes, que l'expert n'a pas procédé à ce contrôle et que, lorsque l'expert constate que la facture litigieuse correspond aux travaux effectués, cela signifie implicitement que les quantités fournies correspondent à celles figurant dans la facture. 
En réalité, la recourante se borne à émettre une hypothèse, puisqu'il résulte clairement des constatations cantonales que le rapport d'expertise était " muet sur la question des quantités déterminantes ". Or, les parties avaient convenu de calculer le prix de l'ouvrage sur la base du critère - seul déterminant - des métrés (et des heures de régie) et on ne saurait donc considérer comme concluante une expertise qui ne fait aucune mention du critère déterminant (pour le calcul du prix) et ne contient aucun indice ou élément permettant de comprendre si ce critère a effectivement été pris en compte par l'expert. 
Ce constat suffit à établir que l'expertise, qui ne contient en outre ni le mandat confié à son auteur ni une brève présentation de l'état de fait, n'était pas concluante et il est superflu d'examiner les autres questions soulevées par la recourante, notamment si l'expert devait se rendre sur place (pour déterminer les quantités déterminantes) ou s'il a eu le temps matériel d'effectuer le contrôle qui lui était demandé. 
Les critiques de la recourante sont dès lors infondées. 
 
5.2. On peut par contre la suivre lorsqu'elle fait valoir que la cour cantonale ne pouvait pas d'emblée lui faire supporter l'échec de la preuve.  
 
5.2.1. Les conclusions de l'expertise étaient manifestement douteuses sur des points essentiels, de sorte qu'il convenait de compléter l'instruction : les juges précédents auraient dû requérir un complément d'expertise ou ordonner une seconde expertise (cf. supra consid. 1.2). A cet égard, c'est en vain que l'intimée reproche à la recourante de n'avoir pas sollicité un complément d'expertise devant le premier juge. La recourante n'avait aucune raison de le faire puisque le juge lui avait donné raison et qu'il avait même refusé la contre-expertise requise par la défenderesse.  
En ne sollicitant pas un complément d'expertise ou une contre-expertise, les juges cantonaux ont purement et simplement empêché la demanderesse de fournir la preuve de faits allégués devant le premier juge (qui avaient été considérés comme prouvés par celui-ci). 
 
5.2.2. En ce qui concerne précisément le fardeau de l'allégation (l'arrêt attaqué relevant que la demanderesse n'a ni prouvé ni allégué les faits pertinents), on ne peut suivre l'autorité précédente lorsqu'elle revient à un stade antérieur (i.e l'échange d'écritures devant la première instance) pour reprocher à la demanderesse de n'avoir pas allégué les métrés et les heures " en régie ". On ne saurait en effet faire supporter à celle-ci l'absence d'allégation alors même que le premier juge a (implicitement) jugé que les allégations étaient suffisantes pour ordonner une expertise judiciaire (en ce sens, cf. arrêt 5D_42/2007 du 18 février 2008 consid. 2.1 et 2.2).  
On rappellera à cet égard que l'expertise a été ordonnée sur proposition des deux parties, que le juge a déterminé, dans son ordonnance de preuve, les allégués à l'appui desquels ce moyen de preuve était admis et qu'il a préparé les questions à soumettre à l'expert (qu'il a transmises aux parties pour détermination), en particulier la question no 5a qui invite l'expert à expliquer si le montant facturé par la demanderesse correspond " aux accords contractuels entre les parties ? " (complètement d'office selon l'art. 105 al. 2 LTF). Comme on l'a vu (cf. supra consid. 4.4.1), l'exigence du contrôle du décompte final (i.e l'établissement des métrés/des bons de régie) résulte explicitement du contrat signé par les parties (ainsi que des conditions générales annexées) et l'expert, pour remplir sa mission, devait nécessairement se prononcer sur cette base. 
A cela s'ajoute qu'il importe peu de savoir laquelle des parties a allégué les faits déterminants, puisqu'il suffit que ceux-ci fassent partie du cadre du procès pour que le juge puisse en tenir compte (ATF 143 III 1 consid. 4.1 et les arrêts cités). Cela étant, les juges cantonaux ne sauraient faire supporter à la demanderesse l'absence d'allégation alors même que l'exigence d'un décompte a été alléguée par la défenderesse et que cet élément de fait faisait partie du cadre du procès (cf. déjà supra consid. 4.4.1). 
 
5.2.3. Le moyen soulevé par la recourante est dès lors fondé.  
Il s'ensuit que la cause doit être renvoyée à l'autorité cantonale pour qu'elle procède à un complément d'expertise et, si nécessaire, à une deuxième expertise afin d'établir les métrés, ainsi que les heures de régie. 
 
6.   
Il résulte des considérations qui précèdent que le recours en matière civile doit être admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale pour instruction et nouvelle décision au sens des considérants. 
Les frais judiciaires et les dépens sont mis à la charge de l'intimée, qui succombe (art. 66 al. 1 et 68 al. 1 et 2 LTF). 
 
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :  
 
1.   
Le recours est admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale pour instruction et nouvelle décision au sens des considérants. 
 
2.   
Les frais judiciaires, arrêtés à 6'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée. 
 
3.   
L'intimée versera à la recourante une indemnité de 7'000 fr. à titre de dépens. 
 
4.   
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour civile II. 
 
 
Lausanne, le 3 juin 2019 
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil 
du Tribunal fédéral suisse 
 
La Présidente : Kiss 
 
Le Greffier : Piaget
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